vendredi 6 janvier 2017

Sherlock Holmes et ses dérivés

Dossier documentaire "Sherlock Holmes et ses dérivés" rédigé par Stéphanie Berland et accessible en suivant ce lien :
Sherlock Holmes et ses dérivés

Il y a quelques années, j'ai rédigé un dossier documentaire à l'occasion d'un stage au Centre national de la littérature pour la jeunesse. Il a tout à fait sa place ici, je pense ; et quel meilleur jour pour le publier que celui de l'anniversaire de Sherlock himself ?

Le Canon, l'oeuvre originale d'Arthur Conan Doyle, est constitué de 4 romans et 56 nouvelles (nouvelles parues dans The Strand Magazine). 

- A Study in Scarlet = Une Étude en rouge, 1887 (roman)
The Sign of the Four = Le Signe des quatre, 1890 (roman)
- Nouvelles publiées entre 1891 et 1892, rassemblées dans le recueil « The Adventures of Sherlock Holmes » = « Les Aventures de Sherlock Holmes »
- Nouvelles publiées en 1893, rassemblées dans le recueil « The Memoirs of Sherlock Holmes » = « Les Mémoires de Sherlock Holmes »
The Hound of Baskervilles = Le Chien des Baskerville, 1901-1902 (roman)
- Nouvelles publiées entre 1903 et 1904, rassemblées dans le recueil « The Return of Sherlock Holmes » = « Le Retour de Sherlock Holmes »

The Valley of Fear = La Vallée de la peur, 1914-1915 (roman)
- Nouvelles publiées entre 1908 et 1917, rassemblées dans le recueil « His Last Bow » = [Son ultime révérence], traduit par erreur par « Son dernier coup d’archet »
- Nouvelles publiées entre 1924 et 1926, rassemblées dans le recueil « The Case-book of Sherlock Holmes » = « Les Archives de Sherlock Holmes »


Source : Pixabay



La naissance d'un mythe

Sherlock Holmes est, contrairement à ce que l’on peut croire parfois, un personnage entièrement fictif, créé de toutes pièces par Arthur Conan Doyle. Mais il a eu un succès populaire si important que sa notoriété en a éclipsé celle de son auteur. Encore aujourd’hui, des lettres parviennent à l’adresse du détective au 221B Baker Street, et une science, l’holmésologie, consiste à retracer sa vie et ses enquêtes. Il a des biographes qui s’appuient tous sur le travail du plus célèbre d’entre eux, le docteur Watson. Mais lui aussi est un personnage de Conan Doyle. Sans ce dernier, le mythe « Sherlock Holmes » n’aurait jamais existé. Il convient donc de se pencher d’abord sur cet homme et, pour cela, de faire un petit voyage dans l’Angleterre victorienne.


Biographies

- Arthur Conan Doyle
Né à Edimbourg le 22 mai 1859 de parents d’origine irlandaise catholique, Charles Altamont Doyle (1832 – 1893) et Mary Foley. C’est de son parrain qu’Arthur hérite du patronyme de Conan. Il mourra en 1930 à la suite d’une crise cardiaque.
Le jeune homme fait ses études à Stonyhurst, une école austère tenue par des jésuites, mais l’éducation stricte qui y règne le mène à l’agnosticisme. Il se tourne alors vers des études de médecine à l’université d’Edimbourg, y sera l’élève du professeur Joseph Bell qui possède un sens aigu de l’observation et de la déduction, ainsi que du professeur Rutherford. Très vite, il embarquera à bord d’un baleinier pour un voyage de sept mois où il sera chirurgien de bord.
Son diplôme de médecine fraîchement acquis, il installe un cabinet dans le Sud de l’Angleterre, à Southsea, et épouse Louise Hawkins en 1885. Celle-ci est emportée par la tuberculose en 1906, et c’est en 1907 qu’il se marie avec Jean Leckie. La rareté de sa clientèle le pousse à écrire : c’est là qu’il se souviendra de ses deux professeurs précédemment cités pour créer respectivement le personnage de Sherlock Holmes lui-même, ainsi que celui du professeur Challanger dans Le Monde perdu.
Il est anobli en 1902 pour avoir été à l’origine du pamphlet La guerre en Afrique du Sud : ses causes et son organisation (= The war in South Africa : its cause and conduct), au sujet de la guerre des Boers, où il prend position pour l’empire britannique.
Arthur Conan Doyle concevait les aventures de Sherlock Holmes comme transitoires, en espérant trouver le succès avec ses écrits plus sérieux, notamment ses romans historiques. C’est pourquoi il met en scène la mort du détective en 1893 dans les chutes de Reichenbach. Il ne le fait réapparaître que 10 ans après, cédant ainsi aux suppliques des lecteurs, de sa famille et des éditeurs.
Ironie de l’histoire, ses autres ouvrages sont plus ou moins tombés dans l’oubli. Son nom est aujourd’hui associé à celui de son personnage… ou inversement.


- Sherlock Holmes 
Sherlock Holmes est né le 6 janvier 1854. Ses parents s’appellent Siger Holmes et Violet Rutherford, son frère Mycroft est de 7 ans son aîné.
Si son physique est attesté par les textes de son créateur (« Il avait à peu près un mètre quatre-vingts, mais il était si mince qu’il semblait beaucoup plus grand. Son regard était vif et perçant, son nez en bec d’aigle lui donnait un air vigilant et décidé, son menton carré était celui d’un homme de caractère »), ce que tout le monde retient de lui, ce qui fait qu’il est reconnaissable entre mille, ce sont bien sûr son long manteau écossais, sa casquette à double visière, sa pipe recourbée, ainsi que sa célèbre réplique « Élémentaire, mon cher Watson ! ». Or, aucun de ces éléments ne figure dans les textes d’Arthur Conan Doyle ou, plus exactement, il n’est donné aucun détail concernant la coupe de son manteau, la forme de sa pipe ou même l’existence d’une telle casquette. Ce sont les illustrateurs, puis aux acteurs ayant incarné le détective, qui les ont imaginé.
Sens de l’observation hors du commun et déduction sont ses principales armes pour arriver à concurrencer la police. C’est peut-être aussi son désir de justice et de vérité qui le force à retrouver la trace d’un assassin seulement à partir de maigres indices. Mais il reste toujours modeste de son succès.


- John Watson
Le docteur John H. Watson est né en 1850, sans plus de précisions sur la date. Sa rencontre avec Sherlock Holmes a lieu en 1881. Il devient son colocataire, puis son collaborateur dans les enquêtes, toujours présent même lorsqu’ils n’habitent plus ensemble (Watson s’est marié quatre fois). Du fait de sa position privilégiée auprès du détective, il devient son biographe, son chroniqueur. C’est le narrateur des aventures, tout se déroule selon son point de vue. Nous pouvons voir en ce médecin veuf à plusieurs reprises la représentation de Arthur Conan Doyle lui-même. Ce dernier, usant du procédé de la mise en abyme, met en scène un Watson auteur, à l’origine des aventures publiées de Sherlock Holmes. Comment s’étonner par la suite que les contemporains d’Arthur Conan Doyle aient réellement cru à l’existence du détective et du médecin ? 


La méthode Sherlock Holmes

Les mystères que Sherlock Holmes est amené à résoudre ne sont pas toujours d’ordre criminel. Il choisit de s’impliquer dans les affaires qui l’intriguent et, comme il le dit lui-même, ce sont parfois les intrigues banales au premier abord qui sont en réalité les plus complexes. Il en prend connaissance de diverses manières : par un fait divers dans un journal, par un proche qui lui parle d’un mystère, ou encore par le récit d’une victime qui s’est déplacée jusque chez lui. Dans ce dernier cas, la scène présente beaucoup de similitudes avec une consultation médicale. La personne vient le voir souvent après avoir eu recours à la police qui, impuissante, lui a donné l’adresse de Baker Street, mais elle peut aussi avoir eu vent des compétences du détective par le bouche-à-oreille. S’ensuit généralement l’exposition des faits par la personne qui en a été témoin : Sherlock Holmes, Watson et nous, lecteurs, sommes au même niveau de savoir. Ce qui est d’autant plus remarquable lorsque nous découvrons, à la fin, la clé du mystère. Nul élément dont nous n’étions nous-mêmes en possession n’est entré en jeu. C’est pourquoi Sherlock insiste sur l’importance des détails et n’hésite pas à en demander d’autres lors des récits de victimes. 


La place du détective dans le roman policier

Comme la plupart des héros célèbres, Sherlock Holmes a dépassé sa vocation initialement prévue par son auteur, pour qui l’écriture n’était alors qu’un passe-temps lui assurant des revenus complémentaires, mettant en scène un personnage temporaire. Or, celui-ci a, inconsciemment, échappé au contrôle d’Arthur Conan Doyle. Nul ne pouvait prévoir un tel succès, d’autant plus que le premier roman était passé relativement inaperçu. Aujourd’hui il est cité comme l’un des monuments de la littérature policière, que ce soit pour adultes ou pour enfants.
Sherlock Holmes est une légende. Les raisons d’un tel succès sont difficilement explicables, mais nombreux sont les professionnels à s’être intéressés à ce héros.


Les sociétés holmésiennes 

La première société d’idoles a été fondée en 1934, à l’initiative d’un groupe d’amis qui se baptisèrent les « Baker Street Irregulars » en référence à la bande de gamins des rues à laquelle fait parfois appel le détective dans ses enquêtes. Il existe à présent plus d’une centaine de sociétés regroupant ainsi des lecteurs passionnés, et ce sur tous les continents. Au programme des réunions : lectures, débats, voire reconstitutions. Leurs lieux de prédilection sont, bien entendu Londres et Baker Street, mais aussi la lande de Dartmoor, sans oublier les chutes de Reichenbach en Suisse.
C’est grâce au concours de ces passionnés ayant cherché, rassemblé les détails et parfois publié leurs conclusions que nous connaissons si bien les vies de Sherlock Holmes et de Watson, et que nous sommes à même de pouvoir reconstituer la chronologie de leurs aventures. Vous avez dit « méthode Sherlock Holmes » ?
 



Un mythe immortel

Sherlock Holmes, l’un des plus grands noms de la littérature policière, est aujourd’hui connu de tous, petits et grands, qui l’associent immédiatement à la recherche, au sens de la déduction, voire même au jeu. Nous le remarquons dans le magazine Le Petit Léonard, par exemple, qui propose à ses jeunes lecteurs une rubrique de jeu intitulée « Sherlock’Art » et consiste en la résolution d’une énigme sur une œuvre, ou encore le passage du nom de Sherlock (qui peut même se passer de son patronyme « Holmes ») dans le langage courant pour désigner une personne perspicace. 
 

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