samedi 21 janvier 2017

Le grand méchant renard / Benjamin Renner

Il n'est jamais trop tard pour en parler ! C'est une bande-dessinée qui m'a été offerte à Noël 2015 (la personne qui m'a gâtée se reconnaîtra :-)). Je tardais car je ne suis pas une spécialiste des bande-dessinées, mais il faut bien un début à tout.




Mon avis :

Nous suivons dans ce livre l'histoire d'un renard qui, comme le titre l'indique, veut devenir fidèle à sa réputation de prédateur. En effet, sa véritable nature est plutôt douce et effacée mais, comme tout le monde, il doit manger. Pour prouver qu'il est méchant, il s'allie avec le loup et vole des oeufs à la ferme. Les deux compères projettent ainsi à terme de manger les poussins. Ceux-ci ne sont pas encore nés. Qu'à cela ne tienne ! Le renard va donc commencer à les couver !
Deviendra-t-il le grand méchant renard qu'il veut être ?

Premièrement, j'ai beaucoup aimé le trait, ainsi que les couleurs. Tout est doux et contribue au côté poétique de l'histoire. Celle-ci repose sur des bases simples, bien qu'originales.
Les personnages sont tous bien développés, et très drôles. L'humour est présent à chaque page et fonctionne bien. Mention spéciale au personnage éponyme, bien sûr, qui est véritablement attachant.

Par son univers, celui d'une ferme qui mêle animaux laxistes (comme le chien), idiots, ou agressifs (commando de poules), ce livre m'a fait parfois penser à des films d'animation comme Shaun le Mouton ou Chicken Run.
Il fait aussi un peu référence, à mes yeux, au Roman de Renart dans les relations entre le renard et le loup, bien que celle-ci soit totalement inversée (ici c'est le renard qui se laisse intimider par le loup).
Autre thème développé, et très remarqué chez les spécialistes : l'amour filial n'est-il que le fait de la mère qui donne la vie ?

En bref, c'est une histoire drôle et poétique, récompensée par de nombreux prix, et que j'ai, moi aussi, beaucoup aimé.

dimanche 8 janvier 2017

Dix petits nègres / Agatha Christie

Quatrième de couverture :

"En a-t-on parlé, de l'Île du Nègre !
Elle avait, selon certains bruits, été achetée par une star hollywoodienne. Quelques journaux avaient insinué que l'Amirauté britannique s'y livrait à des expériences ultra-secrètes. On avait aussi parlé d'un richissime Yankee... Bref, quand ils reçurent - sans savoir de qui - cette invitation à passer des vacances à l'Île du Nègre, tous les dix - du juge au play-boy en passant par la secrétaire - accoururent. Mais, à l'Île du Nègre, l'hôte mystérieux était absent et, dès le premier soir, un disque était placé sur le gramophone, les accusant chacun d'un crime. La panique s'empara des invités..."




Mon avis :

Cela faisait quelques temps déjà que je pensais à relire les Dix petits nègres.
Autant le dire tout de suite, il fait partie de mes romans préférés. Je l'ai lu au collège, et j'en ai toujours gardé un excellent souvenir.

C'est ce roman qui m'a fait découvrir Agatha Christie, alors que je n'ai jamais véritablement aimé les romans policiers. Mais celui-ci est différent à mes yeux. Ce n'est pas un meurtre, suivi d'une enquête. C'est plutôt une sorte de Cluedo : un huis clos entre dix personnages qui ne se connaissent pas ; l'assassin se trouve parmi eux, mais ils ont tout intérêt à le découvrir, car ils sont assassinés un à un, chaque mort étant en lien étroit avec une comptine effrayante.
Par qui, pourquoi ? Je n'en dirais évidemment rien.
Toujours est-il que j'ai tout aimé dans ce roman : l'ambiance, l'histoire, et l'esprit retors de son auteure qui, pour moi, est ici à son paroxysme.

Ma relecture a été bénéfique dans le sens où j'avais oublié certains détails (par exemple, la maison est décrite comme très moderne. J'avais à l'esprit la villa Cavrois à Croix (http://www.villa-cavrois.fr/), visitée il y a peu :-) )
En revanche, de par ma connaissance de l'intrigue, j'avais un éclairage nouveau sur des indices cachés, c'était assez amusant.

Cerise sur le gâteau, ce roman se lit très vite, il compte à peine 200 pages. Mais cela est suffisant pour en faire l'une de mes meilleures expériences de lecture.
J'en suis ressortie, encore une fois, soufflée (même en connaissant le fin mot de l'histoire).

vendredi 6 janvier 2017

Sherlock Holmes et ses dérivés

Dossier documentaire "Sherlock Holmes et ses dérivés" rédigé par Stéphanie Berland et accessible en suivant ce lien :
Sherlock Holmes et ses dérivés

Il y a quelques années, j'ai rédigé un dossier documentaire à l'occasion d'un stage au Centre national de la littérature pour la jeunesse. Il a tout à fait sa place ici, je pense ; et quel meilleur jour pour le publier que celui de l'anniversaire de Sherlock himself ?

Le Canon, l'oeuvre originale d'Arthur Conan Doyle, est constitué de 4 romans et 56 nouvelles (nouvelles parues dans The Strand Magazine). 

- A Study in Scarlet = Une Étude en rouge, 1887 (roman)
The Sign of the Four = Le Signe des quatre, 1890 (roman)
- Nouvelles publiées entre 1891 et 1892, rassemblées dans le recueil « The Adventures of Sherlock Holmes » = « Les Aventures de Sherlock Holmes »
- Nouvelles publiées en 1893, rassemblées dans le recueil « The Memoirs of Sherlock Holmes » = « Les Mémoires de Sherlock Holmes »
The Hound of Baskervilles = Le Chien des Baskerville, 1901-1902 (roman)
- Nouvelles publiées entre 1903 et 1904, rassemblées dans le recueil « The Return of Sherlock Holmes » = « Le Retour de Sherlock Holmes »

The Valley of Fear = La Vallée de la peur, 1914-1915 (roman)
- Nouvelles publiées entre 1908 et 1917, rassemblées dans le recueil « His Last Bow » = [Son ultime révérence], traduit par erreur par « Son dernier coup d’archet »
- Nouvelles publiées entre 1924 et 1926, rassemblées dans le recueil « The Case-book of Sherlock Holmes » = « Les Archives de Sherlock Holmes »


Source : Pixabay



La naissance d'un mythe

Sherlock Holmes est, contrairement à ce que l’on peut croire parfois, un personnage entièrement fictif, créé de toutes pièces par Arthur Conan Doyle. Mais il a eu un succès populaire si important que sa notoriété en a éclipsé celle de son auteur. Encore aujourd’hui, des lettres parviennent à l’adresse du détective au 221B Baker Street, et une science, l’holmésologie, consiste à retracer sa vie et ses enquêtes. Il a des biographes qui s’appuient tous sur le travail du plus célèbre d’entre eux, le docteur Watson. Mais lui aussi est un personnage de Conan Doyle. Sans ce dernier, le mythe « Sherlock Holmes » n’aurait jamais existé. Il convient donc de se pencher d’abord sur cet homme et, pour cela, de faire un petit voyage dans l’Angleterre victorienne.


Biographies

- Arthur Conan Doyle
Né à Edimbourg le 22 mai 1859 de parents d’origine irlandaise catholique, Charles Altamont Doyle (1832 – 1893) et Mary Foley. C’est de son parrain qu’Arthur hérite du patronyme de Conan. Il mourra en 1930 à la suite d’une crise cardiaque.
Le jeune homme fait ses études à Stonyhurst, une école austère tenue par des jésuites, mais l’éducation stricte qui y règne le mène à l’agnosticisme. Il se tourne alors vers des études de médecine à l’université d’Edimbourg, y sera l’élève du professeur Joseph Bell qui possède un sens aigu de l’observation et de la déduction, ainsi que du professeur Rutherford. Très vite, il embarquera à bord d’un baleinier pour un voyage de sept mois où il sera chirurgien de bord.
Son diplôme de médecine fraîchement acquis, il installe un cabinet dans le Sud de l’Angleterre, à Southsea, et épouse Louise Hawkins en 1885. Celle-ci est emportée par la tuberculose en 1906, et c’est en 1907 qu’il se marie avec Jean Leckie. La rareté de sa clientèle le pousse à écrire : c’est là qu’il se souviendra de ses deux professeurs précédemment cités pour créer respectivement le personnage de Sherlock Holmes lui-même, ainsi que celui du professeur Challanger dans Le Monde perdu.
Il est anobli en 1902 pour avoir été à l’origine du pamphlet La guerre en Afrique du Sud : ses causes et son organisation (= The war in South Africa : its cause and conduct), au sujet de la guerre des Boers, où il prend position pour l’empire britannique.
Arthur Conan Doyle concevait les aventures de Sherlock Holmes comme transitoires, en espérant trouver le succès avec ses écrits plus sérieux, notamment ses romans historiques. C’est pourquoi il met en scène la mort du détective en 1893 dans les chutes de Reichenbach. Il ne le fait réapparaître que 10 ans après, cédant ainsi aux suppliques des lecteurs, de sa famille et des éditeurs.
Ironie de l’histoire, ses autres ouvrages sont plus ou moins tombés dans l’oubli. Son nom est aujourd’hui associé à celui de son personnage… ou inversement.


- Sherlock Holmes 
Sherlock Holmes est né le 6 janvier 1854. Ses parents s’appellent Siger Holmes et Violet Rutherford, son frère Mycroft est de 7 ans son aîné.
Si son physique est attesté par les textes de son créateur (« Il avait à peu près un mètre quatre-vingts, mais il était si mince qu’il semblait beaucoup plus grand. Son regard était vif et perçant, son nez en bec d’aigle lui donnait un air vigilant et décidé, son menton carré était celui d’un homme de caractère »), ce que tout le monde retient de lui, ce qui fait qu’il est reconnaissable entre mille, ce sont bien sûr son long manteau écossais, sa casquette à double visière, sa pipe recourbée, ainsi que sa célèbre réplique « Élémentaire, mon cher Watson ! ». Or, aucun de ces éléments ne figure dans les textes d’Arthur Conan Doyle ou, plus exactement, il n’est donné aucun détail concernant la coupe de son manteau, la forme de sa pipe ou même l’existence d’une telle casquette. Ce sont les illustrateurs, puis aux acteurs ayant incarné le détective, qui les ont imaginé.
Sens de l’observation hors du commun et déduction sont ses principales armes pour arriver à concurrencer la police. C’est peut-être aussi son désir de justice et de vérité qui le force à retrouver la trace d’un assassin seulement à partir de maigres indices. Mais il reste toujours modeste de son succès.


- John Watson
Le docteur John H. Watson est né en 1850, sans plus de précisions sur la date. Sa rencontre avec Sherlock Holmes a lieu en 1881. Il devient son colocataire, puis son collaborateur dans les enquêtes, toujours présent même lorsqu’ils n’habitent plus ensemble (Watson s’est marié quatre fois). Du fait de sa position privilégiée auprès du détective, il devient son biographe, son chroniqueur. C’est le narrateur des aventures, tout se déroule selon son point de vue. Nous pouvons voir en ce médecin veuf à plusieurs reprises la représentation de Arthur Conan Doyle lui-même. Ce dernier, usant du procédé de la mise en abyme, met en scène un Watson auteur, à l’origine des aventures publiées de Sherlock Holmes. Comment s’étonner par la suite que les contemporains d’Arthur Conan Doyle aient réellement cru à l’existence du détective et du médecin ? 


La méthode Sherlock Holmes

Les mystères que Sherlock Holmes est amené à résoudre ne sont pas toujours d’ordre criminel. Il choisit de s’impliquer dans les affaires qui l’intriguent et, comme il le dit lui-même, ce sont parfois les intrigues banales au premier abord qui sont en réalité les plus complexes. Il en prend connaissance de diverses manières : par un fait divers dans un journal, par un proche qui lui parle d’un mystère, ou encore par le récit d’une victime qui s’est déplacée jusque chez lui. Dans ce dernier cas, la scène présente beaucoup de similitudes avec une consultation médicale. La personne vient le voir souvent après avoir eu recours à la police qui, impuissante, lui a donné l’adresse de Baker Street, mais elle peut aussi avoir eu vent des compétences du détective par le bouche-à-oreille. S’ensuit généralement l’exposition des faits par la personne qui en a été témoin : Sherlock Holmes, Watson et nous, lecteurs, sommes au même niveau de savoir. Ce qui est d’autant plus remarquable lorsque nous découvrons, à la fin, la clé du mystère. Nul élément dont nous n’étions nous-mêmes en possession n’est entré en jeu. C’est pourquoi Sherlock insiste sur l’importance des détails et n’hésite pas à en demander d’autres lors des récits de victimes. 


La place du détective dans le roman policier

Comme la plupart des héros célèbres, Sherlock Holmes a dépassé sa vocation initialement prévue par son auteur, pour qui l’écriture n’était alors qu’un passe-temps lui assurant des revenus complémentaires, mettant en scène un personnage temporaire. Or, celui-ci a, inconsciemment, échappé au contrôle d’Arthur Conan Doyle. Nul ne pouvait prévoir un tel succès, d’autant plus que le premier roman était passé relativement inaperçu. Aujourd’hui il est cité comme l’un des monuments de la littérature policière, que ce soit pour adultes ou pour enfants.
Sherlock Holmes est une légende. Les raisons d’un tel succès sont difficilement explicables, mais nombreux sont les professionnels à s’être intéressés à ce héros.


Les sociétés holmésiennes 

La première société d’idoles a été fondée en 1934, à l’initiative d’un groupe d’amis qui se baptisèrent les « Baker Street Irregulars » en référence à la bande de gamins des rues à laquelle fait parfois appel le détective dans ses enquêtes. Il existe à présent plus d’une centaine de sociétés regroupant ainsi des lecteurs passionnés, et ce sur tous les continents. Au programme des réunions : lectures, débats, voire reconstitutions. Leurs lieux de prédilection sont, bien entendu Londres et Baker Street, mais aussi la lande de Dartmoor, sans oublier les chutes de Reichenbach en Suisse.
C’est grâce au concours de ces passionnés ayant cherché, rassemblé les détails et parfois publié leurs conclusions que nous connaissons si bien les vies de Sherlock Holmes et de Watson, et que nous sommes à même de pouvoir reconstituer la chronologie de leurs aventures. Vous avez dit « méthode Sherlock Holmes » ?
 



Un mythe immortel

Sherlock Holmes, l’un des plus grands noms de la littérature policière, est aujourd’hui connu de tous, petits et grands, qui l’associent immédiatement à la recherche, au sens de la déduction, voire même au jeu. Nous le remarquons dans le magazine Le Petit Léonard, par exemple, qui propose à ses jeunes lecteurs une rubrique de jeu intitulée « Sherlock’Art » et consiste en la résolution d’une énigme sur une œuvre, ou encore le passage du nom de Sherlock (qui peut même se passer de son patronyme « Holmes ») dans le langage courant pour désigner une personne perspicace. 
 

mercredi 4 janvier 2017

La Passe-miroir, livre 1 : les fiancés de l'hiver / Christelle Dabos

Quatrième de couverture :

"Sous son écharpe élimée et ses lunettes de myope, Ophélie cache des dons singuliers : elle peut lire le passé des objets et traverser les miroirs. Elle vit paisiblement sur l'arche d'Anima quand on la fiance à Thorn, du puissant clan des Dragons. La jeune fille doit quitter sa famille et le suivre à la Citacielle, capitale flottante du Pôle. A quelle fin a-t-elle été choisie ? Pourquoi doit-elle dissimuler sa véritable identité ? Sans le savoir, Ophélie devient le jouet d'un complot mortel."




Mon avis :

Ma première réaction a été de regretter d'avoir attendu si longtemps pour commencer cette série ! J'avais été attirée par la couverture dès sa publication, mais je ne savais pas trop à quoi m'attendre. J'ai enfin sauté le pas, et je suis réellement enthousiaste.

Tout, dans ce livre, m'a emballée, de l'univers à l'écriture en passant par les personnages.

J'étais pourtant perplexe au début concernant les personnages. Celui d'Ophélie ne me plaisait pas, même si j'ai pu aisément m'identifier à elle par ses traits de caractère : discrète et effacée avec une petite voix. Mais par la magie de l'écriture, la situation s'est retournée, et j'ai fini par m'attacher à elle au fur et à mesure de ses (més)aventures et de son affirmation d'elle-même.
De même, la description des membres de sa famille n'est guère flatteuse, j'avais l'impression d'assister à une grosse farce. Tout cela ne m'a pas bloquée dans ma lecture, au contraire. J'ai voulu continuer, percer les mystères qui s'épaississaient avec l'arrivée de Thorn, le fiancé antipathique qui, lui, m'a beaucoup plu malgré ses manières rudes.
Il y a dans ce roman de vrais personnages bien construits qui ont tous leur particularité et leur intérêt, certains à qui je me suis attachée, d'autres que j'ai aimé détester, comme dans les plus grandes oeuvres.

Petit à petit, c'est tout un univers qui se met en place : un univers sans pitié mais que je ne quittais qu'à regret ; un univers différent du nôtre mais qui ne nous est pourtant pas tout à fait inconnu. Et pour cause : le cadre du Pôle n'est autre que le monde de la Cour au temps de la monarchie absolue avec ses favoris, ses intrigues et ses coups bas.
Tout ceci est saupoudré de fantastique, de pouvoirs et d'illusions qui apportent la touche de magie nécessaire pour donner encore plus de relief et d'originalité à l'histoire.

Autre point non négligeable : l'écriture est un délice, elle est fluide et l'intrigue est extrêmement bien ficelée. C'est un point très important pour moi, car c'est aussi la raison pour laquelle je suis vite venue à bout de ce gros livre.

Ambiance fantastique, mystères et retournements de situation sous une belle plume : tout est là, à mes yeux, pour faire naître chez moi un coup de coeur. Je n'ai plus qu'une hâte : me procurer le tome 2 !